Bonsoir à tous et à toutes, Madame la lieutenante-gouverneure Dowdeswell, Monsieur le Ministre Bradley, Monsieur le Ministre Del Duca, Monsieur le Ministre Murray, Madame la Sénatrice McCoy et distingués invités. 

C’est un plaisir et un honneur pour moi d’être ici avec vous ce soir.

Quand Bob Oliver m’a dit que le thème du gala de cette année était « Les collectivités fortes », j’ai été très intriguée.

Chacun de nous a la chance de faire partie de nombreuses collectivités distinctes.

Ce soir, j’aimerais me pencher sur la très vaste collectivité nationale dont nous faisons tous partie : le Canada. 

Nous savons tous que l’un des indicateurs de la force d’une collectivité est la façon dont elle gère les différences d’opinions.

Au Canada, il existe de nombreux débats. Lorsque ces débats portent sur l’énergie – où la produire, où la transporter, comment l’utiliser –, les deux partis adoptent souvent des positions très prévisibles.

Les arguments de l’un sont largement économiques et ceux de l’autre, environnementaux : on devrait faire X parce que c’est bon pour l’économie ou on ne devrait pas faire X parce que c’est mauvais pour l’environnement.

C’est dans cette situation que nous vivons depuis des années maintenant.

En tant que Canadienne qui appuie davantage de production d’énergie et de mesures pour protéger l’environnement, j’aimerais que nous puissions surmonter cette impasse.

Au cours des dernières années, le débat opposant l’économie à l’environnement n’a pas été particulièrement fructueux pour le Canada. Et cela parce que chaque parti a seulement raison à moitié. 

Décider si l’on doit mettre l’accent sur l’économie ou l’environnement ne devrait pas être le sujet du débat qui a lieu dans ce pays. Pour qu’une collectivité soit forte, elle doit l’être autant sur le plan économique qu’environnemental. 

Le débat sur l’énergie qui devrait s’engager au pays devrait porter sur la façon dont nous deviendrons les plus concurrentiels sur le plan économique et environnemental. Et ce soir, j’aimerais vous faire part de mon point de vue.

J’illustrerai mes propos en vous parlant de deux annonces auxquelles j’ai participé au cours des trois dernières semaines chez Shell. Lors de bien des discussions autour de l’énergie, l’économie vient souvent en premier. Alors, ce soir, je commencerai par vous parler de l’annonce portant sur l’environnement.

Le 6 novembre, nous avons inauguré en Alberta une nouvelle installation environnementale. Avec nos partenaires en coentreprise du secteur des sables bitumineux Chevron et Marathon, ainsi que le soutien solide des gouvernements de l’Alberta et du Canada, nous venons de mettre en service la première installation de captage et de stockage du carbone du secteur de l’exploitation des sables bitumineux.

Nous appelons ce projet Quest.

Le projet Quest permettra de capter plus d’un million de tonnes de CO2 chaque année à partir de notre usine de valorisation des sables bitumineux. Cela équivaut aux émissions de CO2 d’environ 250 000 automobiles.

Nous savons que le processus de captage et de stockage du carbone, appelé CSC, n’est pas la panacée, mais nous savons également qu’il jouera un rôle déterminant dans la lutte contre le changement climatique.

Et ne me croyez pas sur parole : l’Agence internationale de l’énergie a déclaré que le CSC pourrait répondre à 17 % des besoins mondiaux en matière de réduction du CO2 d’ici à 2050.

Il n’existe qu’une poignée de projets comme celui-là dans le monde. Dans le cadre de notre entente de financement, nous communiquerons les leçons apprises qui aideront à réduire les coûts d’autres projets de CSC dans le monde. Ce projet aide le Canada à être un chef de file mondial en matière de lutte contre le changement climatique.

De bien des manières, je ne vois pas le projet Quest comme un projet de Shell. Je le vois comme un projet de l’Alberta et du Canada dans lequel Shell joue le rôle du facilitateur de technologies. 

Ce sont l’Alberta et le Canada qui mènent la barque. Et je suis fière que Shell y joue un rôle.

Au siècle dernier, les hydrocarbures ont transformé nos vies. Ils continuent de les améliorer et de les enrichir d’innombrables façons, que ce soit en chauffant nos maisons, en alimentant nos voitures et nos avions ou en fournissant certaines des matières premières de nos téléphones cellulaires et de nos ordinateurs portables.

Ici, en Amérique du Nord, nous tenons l’énergie pour acquise, mais nous ne devons pas oublier que dans certaines parties du monde, l’énergie fossile fournit aux gens le nécessaire pour survivre. 

Néanmoins, chez Shell, nous reconnaissons que cette relation simple entre les hydrocarbures et notre mode de vie est en mutation.

Au cours du présent siècle, nous devrons trouver comment produire plus d’énergie et moins de CO2. Si nous ne changeons pas notre façon de produire et d’utiliser l’énergie essentielle à notre existence, le changement climatique modifiera notre façon de vivre.

Et nous savons que si notre secteur ne contribue pas à trouver une solution pour contrer le changement climatique, nous serons exclus de cette solution. 

Les sources d’énergie à faible teneur en carbone joueront un plus grand rôle dans nos vies. Mais, tant qu’il y aura une demande pour les hydrocarbures, nous aurons la responsabilité de réduire le CO2 qu’ils émettent.

C’est pourquoi nous sommes emballés par le captage et le stockage du carbone.

Croyez-le ou non, nous nous réjouissons également que les gouvernements associent un coût au carbone.

Nous croyons que des mécanismes de tarification du carbone mis en place par les gouvernements sont la façon la plus efficace de changer les comportements. Ce sont simplement des notions économiques de base.

C’est la raison pour laquelle, partout dans le monde, nous plaidons en faveur de la tarification du carbone par les gouvernements.

Dans les endroits où un coût est associé au carbone, nous demandons aux gouvernements de le mettre suffisamment élevé pour changer les choses.

Au moment où le monde est tourné vers la conférence de Paris, nous sommes fiers que l’Alberta ait été l’un des premiers territoires en Amérique du Nord à imposer un prix sur le carbone. Nous avons été encore plus fiers quand le gouvernement de l’Alberta a augmenté ce prix en juin.

Lorsque le gouvernement de l’Alberta mettra en place sa nouvelle politique concernant le changement climatique au cours des prochaines semaines, nous sommes persuadés qu’elle sera une politique avant-gardiste qui aidera à modifier les comportements. 

Nous sommes fiers des politiques en matière de CO2 qui sont en place en Colombie-Britannique et au Québec, et le seront bientôt en Ontario. Nous sommes impatients de voir les mesures que le premier ministre Justin Trudeau s’est engagé à prendre pour travailler avec les provinces afin que le Canada soit reconnu mondialement pour son leadership environnemental.

Parlons maintenant d’économie, et de l’autre annonce.

Il y a exactement trois semaines, soit dix jours avant le lancement du projet Quest, nous avons annoncé l’annulation d’un autre projet, cette fois-ci pour des raisons économiques.

Notre projet d’expansion des sables bitumineux de Carmon Creek aurait augmenté la production pétrolière de notre portefeuille canadien de 80 000 barils par jour. Il aurait créé plus de 3 500 emplois en construction et 350 emplois permanents.

Ce projet aurait duré plus de 50 ans au sein de la collectivité concernée. Au cours de cette cinquantaine d’années, le projet Carmon Creek aurait généré à peu près entre 200 et 400 millions de dollars en taxes et redevances chaque année, sans compter les emplois directs et indirects et les retombées.

Ce fut une décision très difficile à prendre. Dans le monde des affaires, on ne souhaite jamais annuler un projet. Et aussi désastreuses que soient les répercussions sur les résultats financiers, ceux et celles parmi vous qui ont pris une décision semblable savent que les répercussions sur les gens nous préoccupent bien plus que n’importe quelle conséquence financière. 

Des employés, des entrepreneurs, des collectivités et des fournisseurs ont été touchés. Certaines personnes ont travaillé sur ce projet durant toute leur carrière.

Mais chez Shell, ce n’est pas suffisant qu’un projet semble rentable pour nous au Canada. Une entreprise d’envergure mondiale comme Shell dispose de nombreuses options d’investissement partout dans le monde, et un projet au Canada doit pouvoir concurrencer ces autres options. 

En ce qui concerne Carmon Creek, le projet ne cadrait pas dans notre portefeuille mondial et nous n’avons pas pu l’autoriser en raison du climat d’incertitude actuel, notamment du manque d’infrastructure pour transporter le brut canadien vers les marchés mondiaux. Cela veut dire, en jargon des affaires, qu’il n’y a pas suffisamment de pipelines pour transporter le pétrole vers l’une ou l’autre des côtes.

En tant que membre de la haute direction de l’exploitation au Canada d’une entreprise mondiale, et en tant que Canadienne, cette décision m’attriste. Beaucoup. 

Je reconnais qu’il existe de nombreuses perceptions de notre secteur, et de notre secteur au Canada. Mais sachez que nous ne pouvons rien tenir pour acquis ici. Le Canada est un formidable pays, mais nous sommes confrontés à un défi majeur lorsqu’il est question de projets liés à l’énergie. 

Nous sommes le seul grand pays producteur d’énergie qui est absent du marché mondial.

Nous avons essentiellement un seul client : les États-Unis. Quatre-vingt-dix-huit pour cent du pétrole canadien est vendu aux États-Unis. Nous savons tous ce qui arrive quand nous avons un seul client. Vous n’obtenez pas le meilleur prix pour votre produit et vous êtes impuissant quant à la perte de ce client.

Et comme nous l’avons vu lors de la récente décision concernant l’oléoduc Keystone XL, nous sommes impuissants quant aux décisions prises par ce client dans un autre pays.

Laissez-nous, en tant que Canadiens, prendre par nous-mêmes la décision de ne pas construire de nouveaux pipelines pour acheminer notre pétrole vers le marché. Ne laissons pas un autre pays prendre cette décision pour nous.

Il ne s’agit pas là seulement d’un défi du secteur, tout comme le changement climatique n’est pas seulement un défi du secteur. Le niveau de compétitivité de notre secteur dans le marché mondial entraîne de nombreuses répercussions pour les Canadiens, des emplois aux taxes, en passant par les redevances et les occasions de la chaîne d’approvisionnement.

Le secteur de l’énergie représente 25 % des exportations du Canada et 10 % de son PIB.

En tant que Canadienne, notre manque d’accès aux marchés mondiaux me fâche. Cela me fâche en tant que Canadienne qui travaille dans le secteur pétrolier, mais cela me fâche avant tout parce que je suis Canadienne. Et j’espère que cela fâche d’autres Canadiens.

Le Canada mérite d’être aux commandes de son destin.

Mais vous vous demandez sûrement : si je me soucie tellement de la lutte contre le changement climatique, comment puis-je également vouloir produire et exporter davantage de pétrole?

Voici comment, à mon avis, le Canada doit jouer un rôle à la fois sur le plan environnemental, en tant que chef de file mondiale en matière de lutte contre le changement climatique, et sur le plan économique, en tant que fournisseur mondial d’hydrocarbures.

Nous savons que le monde doit se défaire de l’énergie à fortes émissions de carbone. Et je suis convaincue que le monde trouvera la solution. Mais le changement ne se fera pas du jour au lendemain. Peu importe le scénario, les hydrocarbures continueront pendant des décennies d’occuper une place importante dans le panier énergétique.

Voilà la réalité.

Ainsi, j’aimerais que le Canada puisse affronter la concurrence pour cette demande, non seulement sur le plan économique, mais aussi environnemental.

En raison des ressources nombreuses, mais riches en carbone du Canada, peu de pays ont autant de motivation et sont en aussi bonne position pour devenir les meilleurs au monde dans la réduction du carbone.

J’aimerais que nous soyons non seulement un acteur de taille mondiale sur le plan énergétique, mais aussi un acteur de taille mondiale en matière de technologies de réduction des émissions de CO2.

Voilà comment le Canada peut se démarquer.

L’expérience partout dans le monde a démontré que les pays ont besoin d’une économie forte pour protéger l’environnement. Lorsque l’économie est fragile, la dégradation de l’environnement s’ensuit. Heureusement, le monde commence à réaliser qu’un environnement en bonne santé est nécessaire pour protéger l’économie.

Quand il est question d’environnement et d’économie, chacun de nous présent ici ce soir se sent responsable envers la prochaine génération. Nous voulons léguer un monde au moins un peu meilleur que celui que nous avons trouvé.

Lorsque j’envisage l’avenir, je vois le jour où le pétrole canadien devancera, sur le plan économique et environnemental, le pétrole produit partout ailleurs dans le monde.

Je vois le jour où le Canada devancera le reste du monde non seulement dans le domaine de l’énergie émettant peu de CO2, mais aussi sur le plan de la technologie utilisée pour produire une telle énergie. Nous exporterons cette technologie et créerons une nouvelle industrie.

Je vois le jour où les progrès économiques et environnementaux iront de pair.

Ce jour arrivera parce que le Canada est un pays de collaboration, de tolérance et d’innovation.

Les Canadiens se soucient autant de la prospérité économique que des progrès environnementaux.

Comme le dit un philosophe allemand : « Ensemble, devenons qui nous sommes. »

Mais cette entreprise ne sera pas facile à réaliser. La tarification du carbone par le gouvernement nous forcera à modifier nos comportements. Et pour ce qui est d’obtenir l’acceptation sociale au Canada en vue de la construction de nouveaux pipelines, je vais vous confier un petit secret. Cela pourrait vous surprendre étant donné l’importance que notre secteur semble avoir.

Voici le secret : notre secteur de la production pétrolière n’y arrivera pas seul. Le secteur des pipelines ne peut le faire seul.

Nous pouvons certainement faire plus, notamment plaider en faveur de l’augmentation du coût du carbone établi par le gouvernement, continuer de nous assurer que nous avons un système de réglementation de classe mondiale, ce qui est souvent le cas, et collaborer davantage avec les peuples autochtones.

Mais pour que le Canada exploite son potentiel d’exportateur mondial d’énergie plus propre et de technologies d’énergie propre, les Canadiens devront vouloir que cela se produise.

Vous n’avez pas à être toujours d’accord avec notre secteur. Vous ne devez pas arrêter de nous remettre en question.

En fait, nous aimons ce défi : il nous encourage à nous améliorer. 

Mais lorsque vous portez un jugement sur le secteur pétrolier et gazier canadien, nous vous demandons de ne pas nous considérer isolément. Notre secteur n’est que l’un des fournisseurs dans un monde de féroce concurrence. Nous demeurons une part d’un monde toujours dépendant au pétrole, même si nous tentons tous de réduire l’incidence du pétrole et de nous en défaire.

Le Canada doit apporter une prospérité durable pour la prochaine génération. Tout ce que nous vous demandons est de donner à notre secteur l’occasion de faire partie de la solution.

Nous avons extrait le pétrole des sables bitumineux. Nous trouverons comment retirer encore plus de carbone du pétrole.

Merci.

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